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La parenté de l'institution esclavagiste avec le sexage réside dans l'appropriation sans limites de la force de travail, c'est-à-dire de l'individualité matérielle elle-même." Sexe, race et pratique du pouvoir. L'idée de nature réunit un ensemble d'articles publiés par Colette Guillaumin entre 1977 et 1993. Pour présenter ce livre essentiel, d'abord publié chez côté-femmes en 1992 et depuis longtemps épuisé, Brigitte Lhomond écrivait en 1993 dans la revue Multitudes: "Une idée centrale structure le travail de Colette Guillaumin et unifie les articles présentés dans cet ouvrage, celle du lien inextricable entre les "formes matérielles" et les "formes mentales" que prennent les relations de domination (ces "deux faces de la même médaille"), lien entre la matérialité des rapports de pouvoir et la pensée de ceux-ci. Cette pensée, cette idéologie, celle du "sens commun" tout autant que celle des discours théoriques et scientifiques, exprime et justifie tout à la fois ces rapports. ... Le concept d'appropriation est un élément essentiel apporté par Guillaumin à la théorie des rapports entre les sexes, où le corps même des individues dominées (et pas seulement leur travail) est l'objet de la mainmise, comme ce fut le cas dans le servage de l'Ancien Régime, l'esclavage de plantation, et dans ce que Guillaumin nomme, pour les femmes, le "sexage". Le sexage s'exprime dans l'"appropriation privée", ou le "propriétaire" est un homme particulier (comme dans l'institution du mariage), et dans l'"appropriation collective" quand l'usage du corps des femmes est disponible à l'ensemble du groupe des hommes. Usage qu'il serait faux de réduire à des dimensions exclusivement sexuelles. La prise en charge par les femmes - et elles seules ou presque - de l'entretien physique et moral, non seulement des hommes mais aussi des enfants, des malades, des vieillards, est un élément essentiel de l'usage qui est fait de leur corps.
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Qui est l’«ennemi principal»? Pour la féministe matérialiste qu’est Christine Delphy, il ne s’identifie ni à l’Homme – avec une majuscule –, ni aux hommes en général. Ce n’est en effet ni une essence ni un groupe naturel: c’est un système. Or ce n’est pas non plus, ou plutôt pas principalement, pour cette théoricienne qui s’inspire de Marx mais dans un parfait esprit d’hétérodoxie, le système capitaliste. L’ennemi principal, c’est ce qu’elle a choisi d’appeler le patriarcat : à savoir un système autonome d’exploitation et de domination. Christine Delphy a entrepris d’en constituer la théorie, très exactement l’économie politique du patriarcat. «L’ennemi principal», c’est aussi le titre de l’article de Christine Delphy qui, publié en 1970, la première année du Mouvement de libération des femmes, marque le début d’une révolution dans la réflexion féministe. Elle introduisait l’idée alors totalement nouvelle du patriarcat défini comme structure sociale hiérarchique et inégalitaire, en refusant toute explication de la subordination des femmes en termes idéalistes – que ce soit sur des bases biologiques, naturalistes ou essentialistes, ou bien encore fondées sur l’idéologie ou le «discours».
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Après Économie politique du patriarcat (1998), il s’agit du second tome de L’Ennemi principal. L’auteure nous présente la suite de son analyse matérialiste de la société, une analyse en termes de rapports sociaux et donc politiques, fondamentale pour la compréhension de toutes les oppressions, fondamentale à tout projet d’émancipation : «J’étudie l’oppression des femmes. Mais l’oppression des femmes est spécifique non pas parce que les femmes seraient spécifiques, mais parce que c’est un type d’oppression unique. Mais est-il unique qu’une oppression soit unique ? Non, c’est banal : toutes les oppressions sont uniques, comme les individus. La singularité est ce qu’il y a de mieux partagé au monde. Ceci ne signifie pas que cette singularité soit obtenue par des mécanismes totalement originaux.» L’auteure, à travers ce texte, à pour objectif d’affirmer une position théorique originale. A son fondement, l’anti-naturalisme, qui consiste à rejeter les explications biologiques, naturelles, innéistes à la domination masculine, pour y substituer une interprétation sociale du phénomène : les femmes ne préexistent pas à leur domination
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Le fait de s'approprier c'est-à-dire d'être - dans un rapport social déterminé (sexation) - une chose (cf. Partie I, Questions Féministes n°2) a un corollaire idéologique : la classe des femmes est considérée comme totalement immergée dans la Nature, et se définit par ses caractéristiques somatiques. Ce n'est nullement le cas de la classe des hommes qui se considèrent comme ayant des rapports dialectiques et antagonistes à la Nature. Cette idéologie tend à présenter les femmes et les hommes comme deux espèces distinctes. La conscience de classe des femmes ne peut se développer qu'en opposition au discours idéologique qui nous transforme en groupement naturel.
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Écrit au plus vif du Women’s Lib américain, cet essai de Kate Millett, publié en 1970, est issu de sa thèse. Il a immédiatement rencontré un succès considérable et est devenu un classique mondial. Considéré comme le premier essai de critique littéraire féministe, il s’attache à dévoiler la dimension politique de la sexualité, à démasquer l’idéologie masculine à l’œuvre dans la littérature (D.H. Lawrence, Henry Miller, Norman Mailer, Jean Genet) et à démontrer que les relations entre les deux sexes sont organisées à la manière d’une politique destinée à tous les niveaux à maintenir la domination des hommes sur les femmes. Au-delà de sa dimension militante, il a contribué au développement des études et recherches féminines et féministes au niveau universitaire