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Loin d’être une entité anhistorique, l’homosexualité masculine se caractérise par les différentes formes de subjectivation auxquelles elle a donné lieu. Ainsi, la décennie 1970 voit s’opposer trois modes rivaux de subjectivité homosexuelle : l’homophile, représenté en France par l’association Arcadie, fondée par André Baudry (1922-2018) et éditrice d’un périodique paru de 1954 à 1982 ; le gay, émergeant dans le sillage des événements de Stonewall à New York (1969), et donnant naissance à un Front Gay de Libération ; l’homosexualité révolutionnaire telle qu’elle prend forme après 1968 dans l’éphémère Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) dont les positions sont présentées ici principalement à travers les thèses de Guy Hocquenghem (1946-1988). Loin de représenter un simple clivage intergénérationnel, ces oppositions représentent avant tout différentes conceptions sociales et politiques de l’homosexualité, différentes manières de penser la communauté, mais aussi des modes de subjectivité dans lesquels la vie homosexuelle peut s’incarner dans la période antérieure à l’épidémie de sida.
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Les stades dits de Tanner sont une série de photographies permettant d’évaluer le développement pubertaire des filles et des garçons. Utilisés dans la clinique et la recherche médicales contemporaines, leur histoire remonte aux années 1950. Cet article propose de revenir sur le contexte de production de cet artefact et d’interroger la façon dont il est partie prenante de la construction socio-historique de la binarité du sexe dit biologique. La puberté comme objet scientifique et médical est en effet un lieu crucial de production, de reproduction et de reconfiguration du genre.
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La “crise de la pilule” de 2012-2013 a contribué à remettre en cause la prédominance de la pilule contraceptive en France, sans pour autant que l’imputation aux femmes de leur responsabilité en matière de contrôle des naissances ne soit remise en cause. Cet article s’intéresse aux mécanismes de domination, en particulier médicaux et de genre, qui fondent et maintiennent les différentes dimensions ordinaires et invisibilisées du travail qui découle de cette responsabilité. Il s’agit d’abord de montrer comment, du fait de la médicalisation de la contraception, la responsabilité du contrôle des naissances est progressivement devenue féminine et comment, dans le même temps, le travail lié à cette responsabilité est demeuré caché. Cette invisibilisation du travail féminin passe par la naturalisation de la contrainte que représente l’observance contraceptive, et en particulier de la charge mentale afférente. C’est aussi de la contradiction entre une injonction au choix et un panel limité de méthodes effectivement disponibles pour les femmes que naît la nécessité d’une autre forme de travail contraceptif : un travail cognitif. Enfin, l’utilisation d’une méthode de contrôle de la fécondité implique, en particulier s’il s’agit d’une méthode hormonale, de faire face à des effets secondaires minorés voire niés. Là encore, c’est une forme de travail invisible – un travail sur soi – que cet article vise à dévoiler.
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À l'heure où se développent en France les premiers cursus d'études culturelles inspirés des cultural studies anglophones et où les politiques de l'identité et des représentations suscitent un intérêt croissant, la publication de ce recueil de quatorze essais classiques du sociologue britannique Stuart Hall constitue un détour nécessaire par les origines multiples et complexes de ce champ de réflexion. Intellectuel de renom international, Stuart Hall nous livre ici une généalogie critique des cultural studies, de leurs fondements théoriques marxistes et gramsciens à leur redéfinition des notions de "culture" et de "populaire", en passant par leur résistance aux disciplines classiques. Mettant en relief les préoccupations théoriques et politiques majeures des études culturelles, il interroge le concept d'" identité " et ses déclinaisons (ethnicité, race, classe, genre, sexualité) et développe une théorie qui situe la culture au cœur même du processus de construction identitaire. Qu'il analyse la formation des cultures diasporiques, les politiques noires britanniques, les situations postcoloniales ou le concept de " multiculturalisme ", Hall éclaire d'une lumière singulière nombre d'enjeux centraux de la scène politique internationale contemporaine.
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Dans les années 1960-1970, l'État français encourage l'avortement et la contraception dans les départements d'outre-mer alors même qu'il les interdit et les criminalise en France métropolitaine. Comment expliquer de telles disparités? Partant du cas emblématique de La Réunion où, en juin 1970, des milliers d'avortements et de stérilisations sans consentement pratiqués par des médecins blancs sont rendus publics, Françoise Vergés retrace la politique de gestion du ventre des femmes, stigmatisées en raison de la couleur de leur peau. Dès 1945, invoquant la «surpopulation» de ses anciennes colonies, l'État français prône la régulation des naissances et l'organisation de l'émigration; une politique qui le conduit à reconfigurer à plusieurs reprises l'espace de la République, provoquant un repli progressif sur l'Hexagone au détriment des outre-mer, où les abus se multiplient. Françoise Vergés s'interroge sur les causes et les conséquences de ces reconfigurations et sur la marginalisation de la question raciale et coloniale par les mouvements féministes actifs en métropole, en particulier le MLF. En s'appuyant sur les notions de genre, de race, de classe dans une ère postcoloniale, l'autrice entend faire la lumière sur l'histoire mutilée de ces femmes, héritée d'un système esclavagiste, colonialiste et capitaliste encore largement ignoré aujourd'hui.
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La pensée politique a été longtemps marquée par une dichotomie entre privé et public. Dans les années 1960, les mouvements féministes affirment “le privé est politique” et invitent à penser les questions soulevées dans ces deux sphères comme interdépendantes. En France, au cours des années 1970, la création de groupes de parole favorise le partage entre femmes de leurs vécus personnels et intimes, de leurs expériences de la domination masculine. La raison d’être de ces groupes est triple : permettre aux femmes de prendre la parole sans avoir à se battre avec les hommes ; valoriser leur point de vue subjectif comme source de savoir ; rassembler des expériences vécues isolément et générer des solidarités. Cet article, qui s’appuie sur deux immersions dans le mouvement féministe français (2005-2006 et 2007-2010), est centré sur le partage de vécus en collectif. Il montre d’abord que cette pratique participe à la traduction concrète de l’utopie féministe aux échelles individuelle, collective et sociale. Il souligne ensuite l’affirmation d’un sujet collectif féministe et, au-delà, un renouvellement du langage, passant progressivement du strict entre soi des années 1970 à une publicisation des récits échangés et contribuant à faire évoluer les façons de dire le privé ou l’intime.
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Cette contribution propose une réflexion sur la construction d’une épistémologie trans et féministe au sein de l’université quand on se pense comme membre d’un groupe subalterne. L’articulation des statuts d’insider et d’outsider (les limites et les avantages à être « du dedans » et « du dehors ») montre la construction de savoirs situés dans une dynamique constructiviste de l’espace public et de l’espace académique. Le métarécit de la recherche sur laquelle nous nous appuyons (une thèse de doctorat sur la construction médiatique des transidentités) donne les exemples d’une inscription dans les épistémologies féministes et des ouvertures inspirées par les Trans Studies anglo-saxonnes. Nous étudions et analysons les termes d’un discours sur soi comme étape nécessaire vers un au-delà de l’appartenance morale, de l’intimité et de la familiarité avec le terrain étudié. Pour ce faire, nous revenons plus précisément sur la notion d’épistémologie du point de vue (standpoint epistemology) proposée par Donna Haraway et ses développements. Avec les savoirs situés nous déplaçons le sujet dans le champ de la philosophie et reconnaissons le sujet trans comme sujet de savoirs grâce aux outils de la pensée féministe.
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La place et le rôle des femmes dans l'art et dans le spectacle vivant, entre 1912 et 2012, aux lisières de la performance et de la danse. A l'heure des re-enactements et autres remakes des performances historiques, il semblait important de s'interroger sur la place des femmes dans les avant-gardes des années 1910-1970. Quel regard portons-nous, aujourd'hui, sur les pionnières qui ont profondément modifié la danse et la performance, en Europe et aux Etats-Unis ? Réunis pour la première fois, des historiens, des philosophes, des danseurs et deux chorégraphes ont accepté de faire le point sur leurs recherches. Par-delà les catégories artistiques (danse, performance, action, pantomime, théâtre, music-hall...) et les clivages (théorie / pratique ; forme / fond), ce livre est une invitation à partager leurs questionnements sur le spectacle vivant « au féminin », ses archives et ses références. Femmes, attitudes performatives rassemble dix contributions, une « interview performative » de La Ribot et un entretien sur La Part du rite de Latifa Laâbissi et Isabelle Launay.
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Le cancer est perçu aujourd’hui comme une maladie qui affecte à peu près autant d’hommes que de femmes. C’est cependant une conception relativement récente. Jusqu’au milieu du xxe siècle, le cancer était considéré comme une pathologie principalement féminine, les tumeurs malignes produisant des symptômes typiques faciles à détecter. Au xxe siècle, les cancers féminins – du sein et de l’utérus – sont les principales cibles des campagnes publiques pour la détection précoce des tumeurs malignes. Depuis les années 1950, le développement de méthodes efficaces de diagnostic et l’augmentation des cancers du poumon, plus fréquents chez les hommes, met fin à l’image du cancer comme une pathologie féminine. Dans les discours publics et les medias, les cancers des organes reproducteurs féminins continuent cependant d’être plus visibles que ceux des organes reproducteurs masculins, et les femmes à risques sont plus souvent sujettes à une chirurgie de prévention mutilante.
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Très jeune, Joséphine découvre que de la dissimulation dépendra la préservation de son espace vital. Dissimulation de son vécu d'enfant au sein d'une famille dévorante, dissimulation de sa sexualité adolescente face au conformisme pesant de la bourgeoisie pendant les années soixante à soixante-dix. Joséphine narre aussi ses triomphes : conquête de la liberté de pensée, lutte pour éviter d'endosser les rôles auxquels sa condition féminine l'assigne... L'amour, la haine et la démesure parcourent ce récit à la première personne, de l'enfance à l'aube de l'âge adulte.
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Annie Ernaux s'efforce ici de retrouver les différents visages et la vie de sa mère, morte le 7 avril 1986, au terme d'une maladie qui avait détruit sa mémoire et son intégrité intellectuelle et physique. Elle, si active, si ouverte au monde. Quête de l'existence d'une femme, ouvrière, puis commerçante anxieuse de «tenir son rang» et d'apprendre. Mise au jour, aussi, de l'évolution et de l'ambivalence des sentiments d'une fille pour sa mère : amour, haine, tendresse, culpabilité, et, pour finir, attachement viscéral à la vieille femme diminuée.
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Dès les années 30, des sportives font l’objet d’un procès de virilisation dans des épreuves d’athlétisme en raison de morphologies jugées trop « masculines ». Ces athlètes se rapprochent des hommes non seulement par le physique, mais aussi par leurs performances. Des soupçons sont alors émis quant au sexe des sportives. En 1966, un test de féminité est instauré par le monde médical sportif afin de contrôler le sexe des concurrentes et s’assurer que celles-ci ne bénéficient pas d’avantages physiques que les femmes ne sont pas censées posséder. Notre article consiste à montrer les ambiguïtés des discours médicaux face aux controverses soulevées par le test de féminité qui, dévoilant les niveaux pluridimensionnels de l’identité sexuée, obligent le milieu médico-sportif à s’interroger sur la définition d’une « vraie femme ».
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Major changes have occurred in male and female sexual function/dysfunction research and treatments. Male erectile dysfunction has been re-conceptualized as an organic dysfunction, which marks a dramatic shift from previous conceptions of psychogenic impotence developed during the 60' and the 70's. This shift is based on major scientific discoveries, and pharmacological advances that took place since the early 80's under the influence of North American urologists. The release of sildenafil in 1998 was thecorner stone of a new paradigm of treatments focusing on male penile activity, far remote from any psychological approaches. More recently, the same group of urologists started to reconsider Female Sexual Dysfunction using the same organic/biological model of sexual function. New pharmaceutical products are currently under trial for the treatment of this new category of female sexual disorder. But as opposed to the absence of public adverse reaction to the development of this approach of male function, many voices raised to oppose this new conception of female function. A major discussion took place in the British Medical Journal (2003) stating that female sexual function was not organically driven, but rather determined by the social, psychological and interpersonal context of female sexual activity and relations. One of the major dimension of this discussion opposed the so-called "simplicity" of male sexual function to the "complexity" of female sexual function.
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Interview d'Elsa Dorlin pour l'ouvrage "Femmes, genre, féminismes".
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Cet article rend compte des travaux en sciences sociales qui se sont intéressés aux sciences et à leur rôle dans la construction des identités sexuées. Il poursuit trois objectifs : introduire à une réflexion sur ce qu’a été dans le passé le savoir sur la différence des sexes et sur ce qui constitue dans différents corpus de connaissances scientifiques le féminin et le masculin, les femmes et les hommes ; repousser au plus loin les frontières communément admises de la naturalité du corps féminin, interroger le « fait » ou le « donné » du sexe – d’autres diraient la matérialité et la discursivité du sexe ; insister sur les façons dont les sciences contemporaines se mêlent et s’emmêlent dans la construction des identités sexuées, en focalisant l’attention sur les travaux qui montrent comment les sciences et les techniques transforment littéralement les corps. Il n’est alors plus seulement question de fabrication des sexes et du genre, mais de redéfinition des frontières et des limites des corps. Au-delà de la contribution historienne à ces réflexions, l’article met en évidence l’affirmation d’un champ de recherche à l’intersection des études de genre et des études sociales des sciences et des techniques qui emprunte à des traditions disciplinaires et méthodologiques et définit de nouveaux objets et de nouvelles manières de faire les sciences sociales.
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Le travail domestique a été beaucoup étudié par les féministes depuis trente ans. Mais ce qu’il désigne : la prise en charge de tout le travail non payé de la maison par les femmes, n’a pas changé. Le « non-partage » est dénoncé, mais peu de solutions concrètes sont proposées. Le caractère « privé » a été dénoncé en ce qui concerne les violences contre les femmes, mais pas l’appropriation de leur travail. La théorie matérialiste qui fait de cette appropriation l’un des socles du patriarcat est rappelée ; le rôle de l’État est examiné, et la conclusion est que nos sociétés, via le marché du travail, mais aussi via le système fiscal et de sécurité sociale, contribuent à rendre possible cette appropriation du travail des femmes et des concubines par les hommes. On suggère d’adopter comme revendication : la suppression des subventions d’État aux ménages où la femme ne travaille pas, en même temps que l’application du droit commun au travail domestique, c’est-à-dire le paiement par le bénéficiaire. L’hypothèse est que les hommes seront plus enclins à faire leur part quand ne pas la faire leur reviendra très cher.
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