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La présente thèse porte sur la mise en fiction de la colère dans la prose narrative des femmes au Québec. Il s'agit de montrer que la colère, émotion taboue et honteuse, joue dans les œuvres étudiées (Fleurs de crachat [2005] de Catherine Mavrikakis, Les Laides Otages [1990] de Josée Yvon, Les Enfants du Sabbat [1975] d'Anne Hébert, Désespoir de vieille fille [1943] de Thérèse Tardif, La Chair décevante [1931] de Jovette Bernier et Angéline de Montbrun [1882] de Laure Conan) le rôle de moteur textuel : elle irradie dans le tissu narratif en produisant du discours. Les œuvres appartiennent à différents moments-clés de l'histoire littéraire des femmes au Québec : il s'agit également de montrer que la colère tient lieu de paradigme. Malgré d'évidentes transformations dans la fiction au fil du temps, il existe des recoupements limpides entre des romans publiés à différentes époques ; sans jamais gommer ces transformations, je considère la colère comme un héritage de premier plan qui marque la fiction des femmes au Québec depuis ses débuts. Différents points de convergence sont suivis tout au long de l'analyse : l'assimilation de la protagoniste de chaque texte à une figure archétypale de l'imaginaire féministe (guérillère, « folle » / sorcière, gorgone) ; la récurrence de procédés textuels (répétitions, accumulations, contradictions) mimant la colère et faisant déborder le discours ; l'intégration des codes de la tragédie et du mélodrame à l'intérieur de la forme narrative. La réflexion se décline en six temps. Après avoir conceptualisé la notion de colère à l'aune de discours philosophiques, sociologiques, politiques et littéraires (chapitre 1), je procède à une lecture à rebours des œuvres. J'observe les tensions entre un imaginaire de la dévastation et une écriture de l'excès dans Fleurs de crachat (chapitre 2) ; j'explore les mécaniques de la vengeance dans Les Laides Otages (chapitre 3), où la colère se manifeste par des accumulations et des hyperboles, et par le rappel de la tragédie dans la forme narrative ; je montre comment Les Enfants du Sabbat (chapitre 4) est également structuré autour d'une vengeance excessive, alors que la protagoniste, religieuse-sorcière violée durant son enfance, transforme le trauma de l'inceste en charge explosive contre des cibles symboliques (la pureté, la mise au monde) ; je m'intéresse ensuite à Désespoir de vieille fille (chapitre 5) et au discours confus d'une narratrice anonyme dont le célibat est à la source d'une immense colère ; j'analyse enfin la manière dont La Chair décevante recycle les codes du mélodrame pour inscrire dans la forme romanesque un puissant et inextinguible désir d'insurrection (chapitre 6). En conclusion, je montre que les enjeux analysés dans les œuvres sont préfigurés dans le premier roman écrit par une femme au Québec, Angéline de Montbrun. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : colère en littérature, vengeance, folie, sorcellerie, féminisme, littérature des femmes au Québec, littérature québécoise, Catherine Mavrikakis (1961-), Josée Yvon (1950-1994), Anne Hébert (1916-2000), Thérèse Tardif (1912-?), Jovette Bernier (1900-1981), Laure Conan (1845-1924).
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Initié sous l’égide de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’Université du Québec à Montréal (IREF-UQAM), le projet Pour une diversification des voix féministes dans l’enseignement francophone: traduction de textes théoriques à des fins pédagogiques cherche à rendre disponible à la communauté universitaire francophone des textes théoriques en provenance des études féministes, queers et décoloniales. L’objectif est de valoriser la diffusion de textes encore peu lus et étudiés dans la recherche en langue française, ainsi que de promouvoir des écrits de personnes historiquement marginalisées qui ne sont toujours pas disponibles en français. Soucieuses d’accroître la diversité et l’inclusion des voix minorisées dans la recherche féministe francophone, les membres de l’équipe souhaitent faire traduire des textes fondateurs issus des marges. Ce projet est actuellement mené par des chercheuses cisgenres eurodescendantes qui désirent se positionner en alliées et faciliter le partage d’expériences et de sensibilités différentes des leurs. En cohérence avec cette démarche, toutes les étapes de production des textes se veulent les plus inclusives possibles, dans le but de mettre en place un vivier d’échange, de transfert et de collaboration entre traducteurices, réviseur∙es et lecteurices sensibles issu·es d’une diversité d’expériences (de sexe, de genre, de race, etc.). Par ailleurs, la « Note sur la traduction » qui accompagne chacun des textes témoigne en toute transparence du processus de production des textes et détaille les choix posés par l’équipe. ISSN 2818-0704
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Signe d’une inquiétude propre à notre époque, les recherches actuelles en littérature interrogent avec insistance la filiation et l’héritage. On commente à répétition les fractures et les rapports ambigus au passé qui caractérisent la production littéraire contemporaine: «il ne s’agit pas de s’inventer des parentés, de se forger victorieusement de toutes pièces une lignée, mais plutôt d’assumer un héritage fragilisé par les secousses, voire les ressacs, d’une modernité dont on accueille et réévalue à la fois le désir de rupture» (Lapointe et Demanze, 2009: 7). Combien plus précaires encore, l’héritage et la filiation au féminin. Disparues sous le nom du mari1 dans les arbres généalogiques, exclues traditionnellement de la transmission du patrimoine et, partant, des réélaborations littéraires de cette grande question2, tenues à distance des débats sociaux, marginalisées ou effacées de l’histoire littéraire, les femmes souffrent d’une filiation au pire absente, au mieux trouée. Si les créateurs ont cru, selon Harold Bloom (1973), avoir trop de pères littéraires, figures puissantes contre lesquelles il leur fallait s’insurger, les créatrices, elles, ont manqué cruellement de mères. Voilà pourquoi la filiation, si elle touche tous les êtres, est aussi une brûlante question féministe.