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Les rapports sociaux de race, de genre, de sexe sont inextricablement mêlés : telle est une idée centrale du féminisme décolonial tel qu’il se déploie depuis Abya Yala, du nom que le peuple kuna donnait au continent américain. L’article situe l’importance de renommer les femmes et féministes d’origine autochtone, une manière de défaire les discours coloniaux (parfois tenus par des universitaires féministes) sur les pratiques de genre avant la colonialité/modernité. Ochy Curiel illustre cette idée à partir de l’expérience du GLEFAS (Groupe latino-américain de formation et d’action féministe) : le décolonial n’y est pas seulement une critique du savoir académique, il est profondément ancré dans des pratiques autogestionnaires de luttes anticapitalistes, dans le lesbianisme politique, dans la rue, dans les associations, dans les organisations communautaires.
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A partir d'une enquête par entretiens auprès de 21 lesbiennes et d'une observation de terrain, cette thèse se propose de rendre compte de l'élaboration des normes socio-sexuelles des lesbiennes. Au-delà de l'analyse des discours sur les pratiques sexuelles, ce sont les manières dont les lesbiennes se pensent et se situent par rapport aux contraintes normatives de genre qui sont mises à jour dans cette étude. Par-delà la diversité des parcours pèse sur le processus de formation de soi des gais et lesbiennes la contrainte normative à l'hétérosexualité, mais la force de cette contrainte n'opère pas de la même façon pour les deux sexes. En effet pour les lesbiennes, la question de l'invisibilité est intrinsèquement liée au statut social femme. Le but de cette recherche est de révéler, en s'appuyant sur les conceptions contemporaines du lesbianisme (mode de nomination de soi, pratiques de couple, composition du script sexuel), une réalité peu analysée en sciences sociales, et de contribuer à interroger la catégorie "femme" et l'organisation hétérosociale dans laquelle elle se définit. Analyser les trajectoires lesbiennes permet d'interroger par la marge un ensemble de normes sociales régissant la sexualité, le couple, les représentations sexuées inhérentes à la norme androcentrée. Il en découle les questions suivantes : comment se définit-on lesbienne dans un contexte hétérosexiste? Par quel processus peut-on se penser et se présenter aux autres? Comment définit-on le couple quand les catégorisations de sexe ne sont pas le principal référent? Et enfin, comment s'organise la sexualité quand elle ne repose pas sur la division hiérachisée des sexes?
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"Aucun amateur de cuisine épicée ne se verra privé de liberté ou victime d'ostracisme pour avoir satisfait ses papilles gustatives. En revanche, on peut être jeté en prison pour trop aimer les chaussures en cuir. De même, l'homosexualité, le sida, la pornographie, le transsexualisme, et aujourd'hui la pédophilie, donnent-ils lieu à ce que Gayle Rubin appelle une " panique sexuelle ". Chaque panique désigne une minorité sexuelle, généralement inoffensive, comme population-cible. Au terme du processus, celle-ci se trouve décimée, et la société tout entière, juridiquement et socialement, réorganisée. Gayle Rubin a jeté les bases d'un champ autonome d'études sur le sexe où désir, jouissance et diversité érotique, pourraient trouver leur raison théorique et politique. Les trois textes publiés ici s'inscrivent dans une filiation politique (le féminisme, la nouvelle gauche, les luttes antiracistes, les luttes pour les droits civiques) et théorique (les sexologues, Freud, Lacan, Marx, Foucault, Derrida). Les paradigmes ne valent rien sans l'enquête de terrain, et rien non plus s'ils ne s'actualisent en choix de stratégie et de tactique politiques. L'ensemble s'éclaire du partiel, le partiel de l'ensemble. Nous sommes loin ici du communautarisme béat qu'on prête parfois en France aux intellectuels américains. Qu'on lise les critiques acerbes de Judith Butler sur les replis identitaires : les lesbiennes n'ont rien d'autre en commun que leur expérience du sexisme et de l'homophobie. Ou ses réserves sur le coming out : " La sexualité reste-t-elle sexualité quand elle est soumise à un critère de transparence et de révélation? Une quelconque sexualité serait-elle possible sans cette opacité qui a pour nom inconscient? " Gayle Rubin et Judith Butler soulignent constamment la nécessité de ne pas troquer une violence contre une autre, une démonologie religieuse contre une démonologie laïque, laissant ainsi sa chance à l'érotologie moderne. (Éditeur).