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Cet article consiste à situer la théorisation de la « consubstantialité des rapports sociaux » (Kergoat, 1978-2012) au regard des tensions qui traversent actuellement la réflexion sur l’articulation des systèmes d’oppressions. Prenant acte d’oppositions persistantes dans le champ de « la recherche intersectionnelle », il montre en quoi le concept de « consubstantialité des rapports sociaux », en raison du contexte dans lequel il s’enracine, se démarque d’autres cadrages existants. D’une part, il envisage l’imbrication des différentes oppressions depuis une compréhension dynamique des rapports de pouvoir. D’autre part, il se rattache au bagage théorique issu du féminisme matérialiste qu’il propose de retravailler plutôt que d’écarter les notions clés de l’héritage marxien que la vague culturaliste tend à évacuer. C’est finalement l’efficacité et l’actualité sociologique de cette conceptualisation des rapports de pouvoir et des relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres qui sont mises en évidence ici.
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À partir du cas de lesbiennes d’ascendance maghrébine, de leurs rapports avec leurs familles et de leur éventuel sentiment d’appartenance à la communauté gay et lesbienne en France, cet article traite de l’émergence du sujet dans la configuration complexe que forment les rapports sociaux de sexe, de race, de classe et de sexualité. Il s’appuie sur huit entretiens menés auprès de femmes âgées de 25 à 38 ans. Confrontées aux injonctions paradoxales des normes de coming-out , de loyauté filiale et d’hétéronormativité, ces femmes évoluent dans une ambivalence permanente. Une situation qui permet la construction de sujets tacites, ambivalents et incertains : des lesbiennes en devenir.
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En 1980, lors de la conférence de la National Women’s Studies Association qui s’est tenue à Bloomington, Indiana, j’ai assisté à une présentation sur « Les femmes dans l’islam » au cours de laquelle je suis intervenue vivement, depuis ma place dans le public, car les intervenantes invitées, trois femmes arabes, présentaient, selon moi un tableau idéalisé de la situation des femmes dans l’islam. Les sociétés islamiques se distinguaient peut-être même plutôt – c’est en tout cas ce que je pensais à l’époque – par le fait qu’elles plaçaient sans équivoque les femmes sous le contrôle des hommes et par le fait qu’elles accordaient aux hommes, de façon tout aussi explicite, le droit à une sexualité et le droit d’exploiter les femmes. Comme le soutenaient les intervenantes, à son avènement l’islam avait apporté un certain nombre de progrès positifs pour les femmes en Arabie. Il avait également accordé certains droits aux femmes tels que le droit à la propriété (qui, en Occident, ne fut accordé aux femmes qu’au dix-neuvième siècle et qui n’est d’ailleurs toujours pas accordé aux femmes selon, parexemple, la loi rabbinique, tout comme le droit de témoigner). Et on ne pouvait certainement pas dire que l’islam était plus malveillant à l’égard des femmes que les deux autres religions monothéistes. Cependant, il me semblait que cela ne justifiait en rien le fait de minimiser la position d’approbation flagrante qui est celle de l’islam en ce qui concerne la supériorité des hommes et le contrôle exercé par ces derniers sur les femmes. Ni d’ailleurs le fait d’occulter les difficultés rencontrées par les femmes, en particulier en ce qui concerne les lois sur le mariage, le divorce et la garde des enfants. Cet article est la traduction de : « Western Ethocentrism and Perceptions of the Harem », Feminist Studies, vol. 8, n°3, autumn 1985, p. 521-534. Cet article a été écrit en 1982 donc avant la disparition de l’Union Soviétique qui date de 1992.
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L’argument central de cet article, c’est que la théorisation des rapports constitutifs des classes de sexe est essentielle à l’appréhension de la catégorie femmes, tant dans son hétérogénéité que dans son homogénéité. J’y montre comment et pourquoi cette approche, d’abord articulée par les féministes matérialistes en France, apporte une contribution capitale, voire indispensable. En cernant et en approfondissant le rapport constitutif de catégories, hommes et femmes, qui sont spécifiques et indissociables, le féminisme matérialiste échappe au substantialisme et au culturalisme, et parvient à surpasser l’apparente fragmentation des femmes. Aussi faut-il combiner, dans une analyse transversale enrichie, les apports des unes, les féministes postcoloniales, et des autres, les féministes matérialistes, pour saisir dans toute sa complexité une catégorie sociale aux articulations complexes et aux déterminations multiples.
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Le titre de cet article est tiré de la réplique de Christine Delphy à ses critiques marxistes, formulée à une époque où les inégalités sociales étaient la préoccupation centrale de la théorie féministe. Depuis, nous avons été témoins de ce qu’on appelle le « tournant culturel », qui a eu pour effet la marginalisation des perspectives centrées sur les structures sociales ainsi que sur les relations et les pratiques sociales. Cependant, toutes les féministes n’ont pas emboîté le pas, et récemment, des indices sont apparus d’une reviviscence du féminisme matérialiste. En évaluant les effets de ces changements théoriques et en affirmant la persistante pertinence du féminisme matérialiste, je me concentre ici sur l’analyse du genre et de la sexualité. À ce propos, je soutiens qu’une approche matérialiste sociologiquement informée offre davantage de ressources au féminisme que les perspectives postmodernes et queer plus orientées vers le point de vue culturel.
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Cet article vise à dresser un portrait introductif du féminisme postcolonial et à proposer des pistes de lecture pour approfondir cette pensée en nommant certains des débats importants qui l’agitent et certaines de ses protagonistes. Il s’agit de montrer dans un premier temps que le féminisme postcolonial s’inscrit dans la filiation des études postcoloniales (incarné entre autres par Edward Said), des Subaltern Studies (le projet de Ranajit Guha) et des féminismes dissidents (black feminism, chicana feminism, féminisme indigène, etc.). Mais aussi de rappeler que c’est en rupture avec l’androcentrisme des études postcoloniales et avec l’ethnocentrisme du féminisme hégémonique, mais aussi dans leur continuité critique, que s’est constitué ce courant qui vise avant tout à repenser l’oppression des femmes à la lumière de l’histoire coloniale et esclavagiste. Le féminisme postcolonial propose une lecture complexe de l’articulation des rapports de sexe et de race, et en appelle à une remise en question constructive des savoirs produits par les féministes blanches.
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La combinaison des rapports de sexe, de classe et interethniques dans la production des inégalités n’a été que très partiellement étudiée en France, et surtout de manière très générale et fort peu opératoire. En s’appuyant sur les travaux des Black Feminists, cet article propose une introduction au riche débat sur le thème de l’intersection de ces différents rapports sociaux qui s’est développé en Amérique du Nord, de manière conjointe dans les champs académiques et militants, depuis une trentaine d’années. Il aborde ses conditions d’émergence et de développement, sous l’impulsion d’Afro-américaines voulant faire reconnaître la spécificité de leur expérience du monde social ; les enjeux épistémologiques et méthodologiques ainsi que les efforts d’application empirique de ce cadre d’analyse ; enfin ses prolongements juridiques et politiques, marqués par une tendance à la réification des catégories de l’altérité (la « race », le genre, la classe) au détriment des processus qui les produisent.À l’heure où la France s’apprête à se doter d’une autorité indépendante de lutte contre les discriminations, cette vigoureuse discussion offre nombre d’enseignements tant pour leur analyse que pour leur traitement.
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En déclarant qu' "on ne naît pas femme, on le devient", Simone de Beauvoir a posé les fondements d'une conception féministe du genre. L'analyse développée dans Le Deuxième sexe a anticipé la distinction ultérieure entre sexe et genre, et a également soulevé certains problèmes liés à cette distinction. Plutôt que l'oeuvre même de Beauvoir, ce sont les discussions récentes autour de la distinction sexe/genre qui font l'objet de cet article. Plus particulièrement, j'examine la manière dont les féministes matérialistes françaises, avec qui Beauvoir elle-même a travaillé, ont fait fructifier son héritage. En affirmant que le "sexe" est un phénomène tout aussi social que le "genre", ces féministes ont maintenu une tradition anti-essentialiste fondamentalement opposée aux perspectives "différentialistes" si souvent associées à la construction anglophone du "French feminism". Je confronte la contribution de ces féministes, notamment Christine Delphy et Monique Wittig, aux conceptions féministes du genre, avec l'approche plus déconstructive associée à des théoriciennes comme Judith Butler. Ce faisant, je plaide pour une analyse matérialiste du genre et pour une vision d'un monde sans genre plutôt que d'un monde avec de multiples genres. In claiming that 'one is not born, but rather becomes, a woman', Simone de Beauvoir laid the foundations for a feminist understanding of gender. The analysis developed in The Second Sex anticipated the later distinction between sex and gender, and also evinced some of the problems associated with that distinction. It is these more recent discussions of the sex/gender distinction which are the focus of this paper, rather than Beauvoir's work itself. More specifically, I consider the ways in which French materialist feminists, with whom Beauvoir herself worked, carry forward her legacy. In arguing that ' sex' is as much a social phenomenon as 'gender', these feminists have kept alive an anti-essentialist tradition which is fundamentally opposed to the 'difference' perspectives so often associated with the anglophone construction of ' French Feminism'. I compare the contribution that these feminists, especially Christine Delphy and Monique Wittig, have made to feminist understandings of gender with the more deconstructive approach associated with thinkers such as Judith Butler. In so doing I argue the case for a materialist analysis of gender and for a vision of a world without gender rather than a world with many genders.
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En situant les rapports de genre au cœur de leur élaboration conceptuelle et en inscrivant leur transformation comme un enjeu stratégique, les études féministes se sont progressivement imposées dans l'univers des sciences humaines comme une approche critique et comme une problématique du changement. Après une revue des trois grands courants de pensée qui se sont développés au sein et en marge du mouvement féministe au cours des dernières décennies, l'auteure se demande si la pensée féministe, ou plutôt les différents courants de la pensée féministe actuelle sont encore engagés dans ces mêmes fins. Sont-elles encore capables de contribuer au renouvellement des savoirs, de proposer un projet de société original, et d'imaginer les termes d'un nouveau contrat entre les genres ? Sont-elles capables de nourrir une lutte féministe unie, une politique de coalition ouverte à la diversité et à la différence, mais qui ne perd rien de sa cohésion et de sa force de ralliement ? Ces questions servent de pistes thématiques pour la discussion de l'auteur.
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La littérature sur les femmes — tant féministe qu’antiféministe — est une longue rumination quant à la nature et à la genèse de leur oppression et de leur subordination sociale. La question n’est pas sans importance, car les réponses qui lui sont données déterminent la manière dont nous envisageons l’avenir et si nous jugeons réaliste ou non d’espérer une société égalitaire entre les sexes. Plus important, l’analyse des causes de l’oppression des femmes fonde toute estimation de ce qu’il faudrait exactement changer pour réaliser une société sans hiérarchie de genre
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La déconstruction d'une conception biocentriste des sexes en sociologie et la mise en évidence, par les travaux féministes des années 1970, de l'existence d'un système des sexes a ouvert la voie à l'élaboration d'une théorie des rapports sociaux entre les sexes. Cette théorie critique et redéfinit certains concepts clés (travail, production, mobilité), déplace les frontières disciplinaires (sociologie du travail, sociologie de la famille), en même temps qu'elle élargit les débats sur des thèmes sociologiques fondamentaux : relations entre rapport social et catégorisation sociale, reproduction sociale et changement, structures et acteurs et actrices, pratiques sociales et représentations. Aujourd'hui, ce travail de théorisation se poursuit à travers l'élaboration d'outils d'analyse sociologique (de concepts opératoires) susceptibles de rendre compte de la dynamique qui est le propre d'un rapport social, le rapport social entre les sexes en particulier.
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De ce qu'on appelle "théories de la société", toutes ont été, et sont, la forme intellectuelle de rapports sociaux déterminés. Selon l'auteur, l'entrée des minoritaires dans le domaine théorique produit un bouleversement des perspectives, une subversion. D'ailleurs, les premiers textes théoriques venant des minoritaires sont toujours disqualifiés et présentés comme des produits "politiques", des pamphlets, des propos terroristes. Cependant, ils finissent par l'intégration dans la théorie. Ainsi, l'absence des femmes dans les sciences humaines était l'un des effets des relations sociales de sexe. Pour les femmes, devenir un objet dans la théorie était la conséquence nécessaire de devenir un sujet dans l'histoire. L'auteur montre dans ce texte, comment les analyses des femmes ont déjà des conséquences théoriques visibles et importantes et d'autres, qui se révéleront ultérieurement.
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Dans les relations entre classes de genre, le fait que les hommes puissent s'assurer la force de travail des femmes sans contrepartie mesurable (en temps, en argent, etc.) montre que la nature de la relation est différente de celle de la vente de travail classique. Comme dans l'esclavage et le servage, il y a appropriation directe de la base matérielle – corporelle – de l'individu. Cette appropriation se manifeste, dans la forme matrimoniale de cette relation, par le fait que le travail n'est pas évalué, par l'appropriation des produits – parmi lesquels les enfants –, par le droit illimité d'utiliser le corps de la femme. Elle s'exprime par la nature de certaines tâches : la responsabilité, par exemple, des besoins corporels du dominant et des siens. Ces tâches sont empiriquement associées à l'appropriation corporelle (du parti dominé), dans l'esclavage par ex.
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Le fait de s'approprier c'est-à-dire d'être - dans un rapport social déterminé (sexation) - une chose (cf. Partie I, Questions Féministes n°2) a un corollaire idéologique : la classe des femmes est considérée comme totalement immergée dans la Nature, et se définit par ses caractéristiques somatiques. Ce n'est nullement le cas de la classe des hommes qui se considèrent comme ayant des rapports dialectiques et antagonistes à la Nature. Cette idéologie tend à présenter les femmes et les hommes comme deux espèces distinctes. La conscience de classe des femmes ne peut se développer qu'en opposition au discours idéologique qui nous transforme en groupement naturel.
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Aujourd'hui devenue l'une des plus grandes références intellectuelles de son domaine, Nicole-Claude Mathieu est l'une des théoriciennes fondatrices du mouvement féministe français de la deuxième vague. Elle interroge les perspectives de genre en questionnant les cadres dominants de la pensée. De par son double bagage disciplinaire en sociologie et ethnologie, Mathieu ouvre les champs des interprétations et des analyses concernant le genre. Mais avant de s'interroger sur les questions de genre, l'autrice met un point d'honneur sur la définition des sexes et les rapports sociaux de sexe. Sa curiosité intellectuelle la conduit à remettre en question les prédits sexués normalisés. Par une approche socioculturelle et sociopolitique du féminisme, Mathieu interroge l'épistémologie du sexe, ses significations en société et sa naturalisation.